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Sénégal Incapacité à mettre fin aux abus dans les écoles coraniques


Société

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Une feuille de route pour des réformes appelle à de fortes actions afin de protéger les enfants talibés

Le gouvernement sénégalais n'a pas été assez loin pour lutter contre les abus, l'exploitation et la négligence chroniques et généralisés dont sont victimes des milliers d'enfants talibés vivant dans les écoles coraniques traditionnelles, ont déclaré Human Rights Watch et la Plateforme pour la promotion et la protection des droits humains (PPDH), une coalition sénégalaise d’organisations de défense des droits humains, dans un rapport publié conjointement aujourd’hui.

Le rapport de 91 pages, intitulé « ‘La place de ces enfants n’est pas dans la rue’ : Une feuille de route pour mettre fin à la maltraitance des talibés au Sénégal », analyse la politique, la programmation et les efforts judiciaires du gouvernement sénégalais de 2017 à 2019 pour lutter contre les abus. Ayant constaté l’insuffisance de ces efforts, les deux organisations ont proposé une feuille de route pour mettre fin à la mendicité forcée et aux conditions abusives dans les écoles coraniques, appelées daaras.

« Les enfants talibés ont été ouvertement et tragiquement négligés, exploités et maltraités, et le gouvernement n'a tout simplement pas fait assez pour arrêter cela », a déclaré Corinne Dufka, directrice adjointe de la division Afrique de Human Rights Watch. « Le gouvernement doit prendre des mesures audacieuses, concrètes et durables pour mettre fin aux souffrances endurées par de nombreux enfants dans les daaras du Sénégal. »

Au cours des recherches menées en 2018 et 2019, Human Rights Watch et la PPDH se sont rendus dans quatre régions du Sénégal, ont visité 22 daaras et 13 centres d'accueil pour enfants, et ont interrogé plus de 150 personnes, dont des enfants talibés, des maîtres coraniques, des travailleurs sociaux, des spécialistes de la protection de l'enfance, des agents de la police, des fonctionnaires de justice, et des représentants du gouvernement et de l’ONU, entre autres.

Des photos diffusées sur les réseaux sociaux en novembre montrant plusieurs enfants talibés enchaînés dans la région de Louga ont souligné l'urgence d'une action gouvernementale pour mettre fin aux abus, ont déclaré les organisations. Les photos ont déclenché une condamnation généralisée de la part des activistes pour les droits des enfants ainsi que des protestations véhémentes de la part de chefs religieux contre l’arrestation et les poursuites à l’encontre du maître coranique des enfants.

« Ce n'est que le dernier des nombreux cas de traitement inhumain d'enfants talibés ces dernières années », a déclaré Mamadou Wane, coordinateur de la PPDH. « L'État doit s'acquitter de sa responsabilité de protéger ces enfants, réglementer les daaras et mettre fin à ces abus inadmissibles. »

Si les personnalités religieuses au Sénégal exercent toujours une forte influence, le tollé immédiat soulevé par les photos souligne que le courant instable de l’opinion publique a commencé à exiger des comptes – tant aux maîtres coraniques qu’au gouvernement.

La feuille de route proposée au gouvernement pour une meilleure protection des enfants talibés expose cinq mesures clés : intensifier les programmes de lutte contre la mendicité des enfants ; réglementer les daaras tout en soutenant ceux qui respectent les droits des enfants ; développer les services de protection de l'enfance qui sont dotés de ressources insuffisantes ; sévir contre la traite et le trafic d'enfants par des maîtres coraniques ; et accorder la priorité à la justice pour tous les abus commis à l'encontre des enfants talibés.

Human Rights Watch a documenté des abus graves et récurrents contre les enfants talibés au Sénégal depuis plus de dix ans. Actuellement, plus de 100 000 enfants dans le pays sont forcés par des maîtres coraniques, également connus sous le nom de marabouts, de mendier quotidiennement de l'argent ou de la nourriture. Contrairement aux autres maîtres coraniques qui veillent au bien-être des enfants dont ils ont la garde, les marabouts abusifs fixent des quotas de mendicité quotidiens imposés par des passages à tabac. Nombre d’entre eux infligent également des punitions sévères aux enfants qui tentent de fuir ou refusent d’étudier, notamment en les enchaînant ou en les privant de nourriture. Chaque année, des centaines d'enfants talibés fuyant ces abus se retrouvent dans la rue.

La feuille de route s’appuie aussi sur un rapport publié en juin qui a documenté de nombreux abus commis par des maîtres coraniques ou leurs assistants en 2017 et 2018, notamment la mort de 16 enfants talibés des suites de mauvais traitements, négligence ou mise en danger.

La décennie écoulée a révélé une tendance lente mais positive à l’application des lois nationales – interdisant les abus et la négligence volontaire d’enfants, la séquestration, la mise en danger d’autrui et la traite des personnes (notamment l’exploitation de la mendicité d’autrui) – dans les affaires impliquant des maîtres coraniques, autrefois considérés comme intouchables en raison de leur puissante influence sociale.

Au moins 29 maîtres coraniques ou leurs assistants ont été poursuivis pour abus contre des enfants entre 2017 et 2019, entraînant au moins 25 condamnations, dont 8 pour traite des personnes. Cependant, le total reste faible par rapport à la nature généralisée des abus.

Human Rights Watch et la PPDH ont analysé plusieurs obstacles à la justice, notamment des travailleurs sociaux et des agents de la police qui omettent de signaler, d'enquêter ou de renvoyer des affaires ; des membres de la famille qui choisissent de ne pas porter plainte ; l’accès limité des enfants à l’assistance judiciaire; et la pression publique sur le pouvoir judiciaire pour abandonner ou réduire les accusations ou les peines prononcées à l’encontre de maîtres coraniques, liée à leur influence sociale.

Les deux organisations ont également analysé un programme phare du gouvernement visant à lutter contre la mendicité forcée des enfants en « retirant les enfants de la rue » pour les rendre à leurs villages et villes d’origine. Elles ont conclu que ce programme, mis en œuvre uniquement à Dakar, n'avait eu aucun impact généralisé ou durable, en raison de sa portée limitée et de son incapacité à garantir des enquêtes et des poursuites à l'encontre des maîtres coraniques qui avaient forcé les enfants à mendier.

Les autres efforts du gouvernement pour aider les enfants talibés – notamment l'assistance sociale à certains daaras et talibés, l’établissement de plusieurs « daaras modernes » et la lutte contre la traite des personnes – sont restés limités et ont souffert d'incohérences et de retards.

Les organisations ont identifié plusieurs efforts prometteurs au niveau local menés par les maires et les services d’inspection sanitaire (« Services d’hygiène ») de Dakar et de Saint-Louis pour réglementer les daaras. Cependant, un projet de loi visant à établir des normes nationales pour les daaras, rédigé initialement en 2013, n'a pas encore été soumis au vote parlementaire.

Les organisations ont également documenté le manque critique de ressources pour les services de la protection de l’enfant, tels que les travailleurs sociaux, les centres d’accueil pour enfants, et les comités de protection de l’enfant – qui sont tous responsables chaque année du traitement de centaines de cas de talibés fugueurs et de victimes d'abus. Les travailleurs sociaux des régions de Tambacounda, Diourbel et Louga ont déploré le manque de centres d’accueil d’urgence pour enfants, soulignant qu’ils étaient obligés d’héberger les enfants dans des bureaux, des orphelinats ou d’autres daaras pendant la nuit.

Pour résoudre les nombreux problèmes qui empêchent les enfants talibés d’exercer leurs droits fondamentaux à l’éducation, aux soins de santé et à la protection contre les abus, la négligence et l’exploitation, le gouvernement sénégalais doit s’engager dans une stratégie globale et multidimensionnelle, ont déclaré Human Rights Watch et la PPDH. Les organisations ont exhorté le gouvernement à mettre en œuvre la feuille de route proposée et à adopter une approche qui allie dissuasion, assistance sociale et sensibilisation de la population.

« Les exactions commises dans de nombreux daaras sont incontrôlables, mais le gouvernement tarde à agir », a déclaré Issa Kouyate, membre de la PPDH et directeur du centre pour enfants Maison de la Gare à Saint-Louis. « Les talibés ont assez souffert. Il est plus que temps pour un changement. »

L'AUTEUR
HRW


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