Justice
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En marge du procès Gbagbo et co-accusé ouvert à La Haye le 28 janvier dernier, les chefs d’États de l’Union Africaine (UA) en congrès le 30 janvier à Addis Abéba ont émis l’intention de se retirer du protocole de Rome, manifestant ainsi leur désolidarisation de la Cour pénale internationale. Les arguments semblent solides : cette cour ne s’acharne que contre les chefs d’États africains. Toutefois, il est indéniable que les populations africaines demeurent les plus assoiffées de justice face à un dispositif de chef d’États moins préoccupés par le sujet. Face à ce tableau, l’on en vient à se demander: quelle garantie de justice l’UA propose-t-elle en Afrique en remplacement de la CPI?
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En 2009, Jean Ping alors secrétaire de la commission africaine accusait la CPI de "harceler" l’Afrique. Il avait évoqué plusieurs faits de violations des droits de l’homme notamment en Tchétchénie, en Amérique du Sud et même en Europe ; faits qui n’avaient aucune attention de la Cour internationale de justice. Abondant dans le même sens, Alan Wallis, un avocat spécialiste de la justice internationale du Southern African Litigation Centre (SALC) basé à Johannesbourg clamait que "l’Afrique veut juger les dirigeants africains pour les crimes commis sur le sol africain".
Si par A+B on essaie de démontrer que la CPI s’insurge contre l’Afrique, la réalité mérite réflexion . La justice est l’une des graines les plus désirées en Afrique. Et malheureusement, les détracteurs de la CPI sont incapables de pouvoir proposer une instance de justice intégrationniste capable d’obtenir l’adhésion majoritaire de tous les Africains.
Dans l’agenda 2063 adopté par les chefs d’États africains à l’occasion du cinquantenaire du continent, ces derniers ont manifesté une certaine "détermination" en faveur d’un système judiciaire digne en Afrique. Ainsi, la troisième des grandes aspirations de l’Agenda 2063 stipule : "ASPIRATION 3. Une Afrique où Règnent la Bonne Gouvernance, la Démocratie, le Respect des Droits de l’Homme, la Justice et l’État de Droit".
Souhait ou aspiration n’est pas encore soulagement selon un adage ! La pilule si elle pouvait être mise au point serait un vrai remède, mais déjà les inquiétudes et les doutes fustigent de partout surtout quand on sait que les chefs d’États africains sont réputés pour l’inadéquation entre leurs promesses et leurs actions.
Au Burundi, Pierre Nkurunziza s’accroche au fauteuil sous le regard presque passif de ses pairs, avec pour corollaire des centaines de morts et 230 000 déplacés, l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara cherche voies et moyens pour esquiver la justice, pendant qu’Idriss Déby Itno élu président en exercice de l’UA le 30 Janvier dernier reçois ainsi l’onction de l’Union Africaine pour se représenter une énième fois aux élections dans son pays. Pour ne citer que ces quelques initiatives, pendant que de nombreuses inquiétudes taraudent les esprits.
Prévu pour 50 ans, l’agenda 2063 est comme une feuille de route déjà en marche. Pourtant, les dérapages notés au tout début, ont tout l’air de mener à la même chanson pour les 50 années à venir. Les arrestations arbitraires par ici, les actes de corruptions qui gangrènent les économies du continent par là, et les présidents qui s’accrochent au pouvoir avec l’onction de l’UA; rien ne garantie un avenir empreint de justice sur le continent africain. Pour couronner le tout, un front contre la CPI voit le jour dans le clan des chefs d’États Africains. Sans pour autant la cautionner, il faut reconnaître que cette Cour dans la mesure du possible a porté le combat des sans voix, et freiné l’élan de certains bourreaux.
Par conséquent, pour garantir la fin de l'impunité sur le continent africain, l'Union Africaine doit pouvoir redéfinir ce qu'elle entend par une meilleure justice africaine en remplacement de la CPI, qu'elle entend quitter.
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